ABYME (MISE EN)

ABYME (MISE EN)

ABYME MISE EN, littérature

Utilisée depuis Homère, nommée par Gide qui compare la pratique narrative de sa Tentative amoureuse avec «ce procédé du blason qui consiste, dans le premier à en mettre un second «en abyme» (Journal , 1893), redécouverte par le Nouveau Roman, la mise en abyme se révèle l’un des procédés littéraires le plus efficace quant à la construction ou à la destruction du récit dont elle enrichit l’interprétation. Lucien Dällenbach en donne une définition satisfaisante: «est mise en abyme tout miroir interne réfléchissant l’ensemble du récit par réduplication simple, répétée ou spécieuse» (Le Récit spéculaire ). Que le vertige qu’elle suscite s’appelle aussi «effet de Vache qui rit», par allusion à l’image fameuse, explique la fréquente association entre la mise en abyme et l’infini ; même si la réflexion ne s’établit que jusqu’au deuxième ou troisième degré, la circularité guette toute œuvre usant d’un procédé récursif. Rien n’empêche d’enchâsser un troisième récit dans celui d’Ulysse, lui-même emboîté dans celui de l’Odyssée . Plus il y a de récits-gigognes, plus on a l’impression que le récit-cadre est amarré dans la «réalité» même: tel est le dessein d’Italo Svevo ou d’Umberto Eco lorsqu’ils usent du vieux stratagème du «manuscrit retrouvé». Une autre fonction non moins importante de la mise en abyme est connue depuis Sophocle, elle consiste à «contester le récit» en introduisant une profétie (cf. Ricardou, Problèmes du nouveau roman ). Celle-ci peut être mal interprétée (Œdipe ), parfaitement comprise (La Chute de la maison Usher ) ou même différemment déchiffrée par les différents protagonistes: mari et femme analysent le personnage d’un roman introduit en abyme «prospective» dans L’Accomplissement de l’amour de Musil. Ce dernier exemple annonce d’ailleurs la mise en abyme de l’œuvre d’art , généralisée par le Nouveau Roman mais introduite par Proust. Celle-ci peut évoquer non seulement l’histoire, mais le mode de fonctionnement matériel de l’histoire, sa production ou sa «texture» (cf. la typologie de Dällenbach, op. cit. ).

Encyclopédie Universelle. 2012.